Jardins bioclimatiques : mode d’emploi pour une nature résiliente

Jardins bioclimatiques : mode d’emploi pour une nature résiliente

Avec les sécheresses, les canicules et l’effondrement progressif de la biodiversité, le jardin ne se résume plus à une activité de loisir. De plus en plus de citoyens, de communes et d’associations misent désormais sur les jardins bioclimatiques, qui s’appuient sur les ressources naturelles du lieu — soleil, vent, eau, sol — pour répondre aux défis écologiques du moment. Quel impact pour la biodiversité en Belgique ? A l'occasion de la sortie du nouvel Érable consacré aux jardins bioclimatiques, un début de réponse avec cette interview de Julien Ruelle, du service Développement de la nature chez Bruxelles Environnement.

« Le jardin en mouvement est un état d’esprit qui conduit le jardinier à observer plus et jardiner moins ; à mieux connaître les espèces et leurs comportements pour mieux exploiter leurs capacités naturelles ». La citation est du botaniste et paysagiste français Gilles Clément, et elle pourrait presque répondre à la question de savoir ce qu’est vraiment un jardin bioclimatique. Et si le terme est aujourd’hui en pleine expansion, c’est parce qu’il y a urgence à revoir notre cohabitation avec la nature, partout en danger.



Qu’on parle de haies brise-vent, d’îlots de fraîcheur, de création de zones humides ou de mares, de sols dits « vivants » avec paillage et compost ou encore de végétalisation de cours d’école, c’est du jardin bioclimatique ! Autrement dit : un écosystème pensé en symbiose avec le climat local et capable de favoriser l’autonomie, la sobriété énergétique et la résilience naturelle.

Pour mieux comprendre l’intérêt stratégique des jardins bioclimatiques dans le contexte bruxellois, nous avons rencontré Julien Ruelle du service Développement de la nature chez Bruxelles Environnement, notamment chargé de promouvoir la gestion écologique des espaces verts ou de la sensibilisation aux bonnes pratiques pour les communes ou les entreprises. À l'heure où l’adaptation au changement climatique devient une priorité, il revient sur les actions mises en place, les enjeux de terrain et les leviers pour que cette approche devienne une évidence dans nos cours, jardins et espaces publics.

Que vous évoque le concept de jardin bioclimatique ? 

Même chez Bruxelles Environnement, cette pratique est encore émergente, mais la prise en compte du rôle de l’espace vert ou des jardins dans la qualité de vie est de plus en plus mise en avant. Pour nos grands chantiers qui visent à donner plus d’espace à la nature dans la ville, on parle d’avantage de bioclimatisme au sens général (rafraîchissement, gestion des eaux de pluie, etc). Hélas l’accès aux sols ou aux terrains et les enjeux fonciers sont autant de freins aux mises en œuvre de structures de ce genre là où elles sont les plus nécessaires.

Comment arrive-t-on à mesurer l’impact de ces actions bioclimatiques au quotidien quand on est engagé, à votre échelle, sur des plans à 5 ou 10 ans ?

A Bruxelles, c’est une question difficile. Nous avons des suivis des effets de nos projets avec notamment des photos aériennes et satellites pour observer le taux de végétalisation ; on arrive également à observer le taux imperméabilisation des sols mais cela reste toujours des conclusions macro, sans réelle analyse d’impact sur la qualité de vie, le taux de mortalité des gens ou le bien-être. Nous n’arrivons pas encore, par exemple, à mettre en évidence les causalités à plus grande échelle entre la végétalisation d’un espace vert et l’augmentation des populations de pollinisateurs ou d’oiseaux. Et idem pour l’évaluation de la qualité de l’air et les îlots de chaleur. Nous sommes clairement encore au début d’un nouveau chapitre pour le recueil des données liées à la biodiversité : il nous faudrait plus de bénévoles de terrain pour encoder leurs observations et des inventaires beaucoup plus systématiques.

Crédit : Les Marneurs

Quels sont les freins au changement que vous rencontrez au quotidien pour étendre vos actions ? 

D’abord, un manque de connaissance généralisé car beaucoup de gens estiment encore trop souvent que préserver la nature doit être quelque chose de simple et de gratuit. N’oublions pas que voilà encore quelques années un ministre était encore capable d’affirmer : « la biodiversité, on met une toiture verte et elle vient toute seule »… Ensuite, dans les métiers du paysage et des parcs et jardins, il manque souvent des connaissances en botanique, en entomologie. Le frein budgétaire est aussi important : faire un inventaire biologique avant de faire une demande de permis d’urbanisme, cela a un coût et tout le monde n’est pas prêt à le faire. Tout ceci explique que les progressions sont encore minimes et qu’on est encore loin du tant attendu effet levier. Voilà pourquoi chez Bruxelles Environnement nous essayons de propager l’idée d’une « ville-nature » en tentant d’unifier les deux pour un mariage qui n’est pas toujours évident. Et cela nécessite des experts naturalistes.

Quels sont les outils à votre disposition pour gagner cette bataille contre les résistances ?

Ma philosophie sur ce point, c’est « tant pis on fait et les gens vivront avec ». L’opposition vient souvent d’une poignée de mécontents qui crient plus fort que les autres. A mes débuts voilà dix ans, je travaillais sur l’interdiction des pesticides et cela semblait inconcevable d’arrêter de pulvériser sur les trottoirs par peur que des pissenlits poussent partout. Dix ans plus tard, le monde ne s’est pas arrêté de tourner à cause des « mauvaises herbes ». On voit souvent l’interdiction comme une entrave à nos propres libertés, mais à partir du moment où cela touche également le voisin, cela devient plus acceptable pour tout le monde. La prise de conscience se fait tout doucement, crise après crise… et on oublie finalement vite les crises.

Plus d’infos sur renature.brussels/fr

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